Directrice Générale Adjointe de Bouygues Bâtiment Nord Est, Karine Famy porte la responsabilité de transformer à très court terme son entreprise, dans la perspective de répondre aux enjeux climatiques. En s'engageant avec le CD2E, son entreprise souhaite construire collectivement des solutions pour massifier l’éco-transition.
En quelques lignes, pouvez-vous décrire votre parcours et la fonction que vous occupez actuellement ?
M’appuyant sur une expérience industrielle de 15 ans, acquise au sein du groupe Alstom Transport, j’ai conduit le déploiement national du LEAN Management à l’échelle de Bouygues Bâtiment France. J’ai donc pu installer la culture projet, l’expérimentation et l’amélioration continue auprès des équipes. J’ai ensuite évolué vers des fonctions opérationnelles de production en logement pour rejoindre en 2018 le Comité Exécutif de Bouygues Bâtiment Nord Est, et prendre en 2022 la direction générale pour le territoire des Hauts-de-France, ainsi que la présidence de l’ordre des Minoranges (Ordre des compagnons Bouygues représentant l’excellence et l’exemplarité en savoir-faire et savoir-être).
En plus de mes missions opérationnelles de production, je porte la responsabilité de transformer à très court terme l’entreprise. L’objectif est qu’elle se transforme drastiquement sur toute la chaîne de valeur de l’acte de construire, de la conception à l’exploitation et à la maintenance de bâtiments neufs ou réhabilités. Pour ce faire, je mène donc différentes démarches de progrès structurantes pour Bouygues Bâtiment Nord Est. Cela concerne le déploiement du mode projet, la culture client et également la transformation des métiers pour répondre aux enjeux climatiques.
Quelles sont les missions et les valeurs de votre structure ?
Nous co-construisons avec nos partenaires locaux des solutions globales, innovantes et durables à travers notre implication, tout au long de la chaîne de valeur de la construction. Notre objectif : apporter la meilleure solution à nos clients pour chaque projet, quels que soient les défis à relever.
Concrètement, comment se traduit votre engagement dans votre activité au quotidien ?
Notre engagement au quotidien se matérialise par :
- La déclinaison d’une stratégie climat visible, engagée et portée par tous les collaborateurs. Nous fixons et alignons des objectifs simples et communs, par exemple : 50 % de projets à biodiversité neutre ou positive dès 2025, et à l’horizon 2030, 30 % de projets bois, -40 % (scopes 1 et 2) et -30 % (scope 3) d’émission de gaz à effet de serre, et 50 % de notre activité en réhabilitation.
- La créativité dans la formation de nos collaborateurs pour garantir l’appropriation à tout niveau. Par exemple : « la Fresque du Climat » et « la fresque de la construction » (37 % des collaborateurs BBNE formés).
- La création d’un jeu “Carbon Line”, créé par des collaborateurs pour l’acculturation de 100 % de nos compagnons sur ces enjeux (Convention Compagnons dédiée). Nous organisons également des sessions avec des partenaires au challenge « Carbon Fight ».
- La réduction de notre pression sur les ressources et l’exemplarité dans nos conceptions et réalisations. En effet, cela passe par la mesure en double comptabilité du poids carbone, en parallèle du bilan financier de chacune de nos conceptions ou réalisations, et l’obligation de proposer des éco-variantes dans toutes nos réponses.
- Notre engagement en économie circulaire : en mesurant et améliorant le taux de circularité (x 2 à 2027). 100 % des projets objectif 0 déchet ultime à 2030.
- La réflexion des futurs cadres de vie connectés avec la nature. Nous souhaitons réduire l’artificialisation et recréer de la fertilisation des sols, créer une « culture du vivant ».
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
Les difficultés rencontrées sont nombreuses :
- En terme techniques – Par exemple : la disponibilité de la ressource sur le biosourcé, la non-compatibilité des nouveaux modes constructifs avec notre marché, les barrières techniques (Atex, etc.), les freins réglementaires, les coûts associés, la maturité de nos assureurs (BC, MOE…), la complexité de nos ouvrages pour nos industriels.
- En termes de conduite du changement de l’ensemble de la profession – Effectivement, l’innovation et la transition environnementale sont des enjeux majeurs pour l’entreprise. Or, la principale difficulté est le changement culturel des équipes et parfois de nos partenaires. Au sein même des donneurs d’ordre, les enjeux environnementaux et les solutions possibles sont, pour l’instant, des critères de choix minoritaires. Ces derniers ont donc besoin d’accompagnement et de formation (appropriation technique, montée en compétences, compréhension des filières).
Y a-t-il des idées reçues contre lesquelles vous devez lutter ?
Elles sont nombreuses ! Notre image de grand bétonneur, groupe international du CAC 40 !
Bouygues Bâtiment Nord Est n’est pas un groupe centralisé, nous agissons au cœur de notre territoire, localement. 85 % de notre chiffre d’affaires sous-traité, l’est donc auprès de PME locales.
En 2022,
- 7 % de notre chiffre d’affaires est constitué de projets bois.
- 44 % de notre activité est portée par la réhabilitation de logements.
- Et sur l’ensemble de nos consommations de béton, nous avons également engagé 42 % de béton à moindre impact carbone (CEM II).
En quoi l’adhésion du CD2E vous a-t-elle été bénéfique ?
Notre adhésion au CD2E, au-delà d’un engagement fort sur notre virage culturel en matière environnementale, permet le partage avec des acteurs locaux de bonnes pratiques sur la transformation de nos métiers (sensibilisation, formation).
Elle sera donc bénéfique sur la construction de solutions à inventer ensemble pour massifier l’utilisation des matériaux biosourcés, produits bas carbone, réemploi. Cela nous permettra de nous ouvrir à un réseau de professionnels avancés dans l’écoconstruction.
Quelles ont été les réussites déjà menées en partenariat avec le CD2E ou les projets en cours ?
Le 12 avril 2023 a eu lieu le Forum International Bois Construction. Linkcity a signé, avec Bouygues Bâtiment Nord Est, le Pacte Bois Biosourcés Hauts-de-France, mené par le CD2E et Fibois Hauts-de-France.
Pouvez-vous nous présenter un ou deux projets dont vous êtes particulièrement fière en lien avec l’éco-transition ?
La mise en place du diagnostic ressources, précurseur du diagnostic Produits Équipements Matériaux Déchets (PEMD). Le but est de porter la démarche 0 déchet ultime et la mise en pratique des 4R (Réduire, Réemployer, Réutiliser, Recycler) sur les chantiers, avec des résultats probants et également des changements radicaux opérés auprès des équipes.
Exemples :
- La réhabilitation lourde du CROUS, la résidence étudiante Boucher et Bachelard de Villeneuve d’Ascq, avec 95 % de taux de valorisation des déchets.
- Le Liseré, résidence de 105 logements neufs au cœur du nouveau quartier de La Maillerie à Croix, pour 86 %.
- Le parking silo de ce même quartier, 93 %.
La solution ByWall. C’est la réponse de Bouygues à l’enveloppe isolante industrialisée adaptée à chaque projet (individuel ou collectif). Il s’agit donc de proposer des solutions sur étagère ou en rupture, codéveloppées avec des partenaires de la filière (isolant biosourcé).
Exemple : la rénovation énergétique industrialisée de 1 500 maisons camus, avec façades isolantes industrialisées (livraison 2024).
Quelle bonne pratique, chiffre clé, élément type « Le Saviez-vous ? » aimeriez-vous faire connaître ?
La création en 2017 du site internet en open source « Responsable et Engagé ». Il est précurseur et référence dans ce domaine où nous mettons en visibilité pour l’utilisation de tous, les actions environnementales, sociales et sociétales remarquables déployées sur nos chantiers ou par nos collaborateurs.
Pour terminer, avez-vous un conseil ou un apprentissage à partager pour massifier/accélérer l’éco-transition ?
Nous avons la conviction qu’il faut massifier les bonnes pratiques. Il est important engager les donneurs d’ordre et maîtrises d’ouvrage à développer les solutions bois et/ou biosourcées sur un pourcentage de leur production, au cours d’une période de 5 ans.
Au-delà des outils, il faut absolument agir aussi sur la culture et l’action individuelle organisée autour d’objectifs communs. Pour accélérer l’éco-transition il va donc falloir rabâcher les messages et s’aligner.