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Une bonne gestion de l’eau au service de l’industrie

Article publié le : 31 mai 2021

Pour continuer à explorer notre thématique « eau et industrie », penchons-nous aujourd’hui sur la place de l’eau en entreprise et plus particulièrement sur la gestion de l’eau au sein d’une PME Industrielle. Et pour cela, pratiquons l’autopsie d’une industrie. En effet, nous avons vu dans les précédents articles des exemples de réalisations, mais ces réalisations nécessitent d’être incluses dans une véritable stratégie d’action en lien avec l’entreprise, son process, sa localisation et bien sûr l’utilisation qu’elle fait de « son eau ». L’étude que l’on vous propose doit nous aider à comprendre, anticiper, optimiser les relations que nous avons avec ce précieux liquide.

Schéma de principe du fonctionnement d’une industrie responsable (source : CCI HdF)

On peut clairement voir à l’aide du schéma, qu’il existe trois grandes parties dans lesquelles l’entreprise doit réfléchir à la gestion de l’eau.

La partie amont de l’entreprise, qui correspond à la gestion de l’eau de pluie (qui tombe et/ou qui ruisselle) jusqu’à l’élimination, réfléchie et durable de l’eau vers une solution adaptée. 

La partie « entreprise » qui correspond à son process de fabrication et enfin la partie aval qui s’occupe du traitement des effluents (de process ou sanitaires). 

Si le législateur et les collectivités ont souvent travaillé dans le sens commun (notamment pour la gestion des eaux usées), rien ne s’oppose à ce que l’entreprise ne réfléchisse sur son site à une gestion plus responsable et durable de la ressource. 

De la goutte de pluie…

Pendant de très nombreuses années, les aménageurs ont travaillé à la collecte des eaux de pluies et de ruissellement pour les éliminer via des canalisations bétonnées et bien souvent le plus rectiligne possible. Cet aménagement au rabais conduit à des résultats problématiques avec notamment une augmentation des phénomènes de crues (de plus en plus visibles sous nos latitudes), une amplification des phénomènes d’érosion (2019 année record dans le département du Nord), et sur le long terme une raréfaction de la ressource puisque le temps de présence sur la parcelle étant réduit, la recharge des nappes phréatiques n’est plus optimale. C’est pour réduire ces phénomènes négatifs que les Agences de l’Eau prônent le traitement de l’eau à la parcelle. 

En effet, tamponner les eaux à l’endroit même où elles tombent permet de réduire les phénomènes de ruissellement et favorise le rechargement des nappes. Mais pour un industriel, ces actions peuvent aussi être synonymes d’économies et d’investissements maîtrisés. En effet, la mise en œuvre par exemple d’une toiture végétalisée, présente le double avantage de ralentir l’écoulement des eaux mais renforce l’isolation thermique et phonique des bâtiments. En été, la toiture végétalisée permet également de réduire l’entrée de la chaleur de 40% à 50% par rapport à une toiture classique. En hiver, scénario inverse, la toiture végétalisée permet de réduire les pertes de chaleur de 16 à 33%. (Source : ADEME.fr), de plus le CSTB indique qu’une toiture végétalisée permet de réduire les bruits de 15 à 20 dB (en fonction notamment de l’épaisseur du substrat).

Si votre toiture ne permet pas de supporter un tel système, vous pouvez opter pour la réalisation de bassin tampon avec noue filtrante. Le but est de récupérer les eaux sur un point de la parcelle, dans un bassin étanche qui re-larguera les eaux de pluie de façon régulière est sur une période plus longue. Ces deux installations permettent en outre de favoriser l’essor de la biodiversité en milieu industriel et sont très recherchées dans le cadre de mise en œuvre d’une trame verte et bleue.

Bien sûr, d’autres solutions existent comme les jardins de pluie par exemple, mais on voit déjà que la mise en œuvre pratique permet de réfléchir à la récupération des eaux de pluie pour les injecter dans le process de l’entreprise.

… à l’utilisation durable

Favoriser le mix d’approvisionnement : C’est souvent l’action mise en œuvre dans l’entreprise mais, même si elle reste un point central de la démarche, elle ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Quand une industrie réfléchit à gérer différemment son flux « eau » elle doit se poser 3 questions :

Comment faire avec moins ? Comment faire mieux ? et enfin, comment faire différemment ?

C’est, certes contraignant, mais utile afin d’imaginer des actions de bon sens et qui servent l’entreprise. Au sein d’une industrie, l’eau de réseau peut facilement être substituée par de l’eau de pluie pour de nombreuses applications. On peut par exemple refroidir les pièces tout juste fabriquées dans les fonderies ou la plasturgie, on peut l’utiliser dans le process de fabrication ou de nettoyage (imprimerie, métallurgie…). Certaines industries comme la galvanoplastie préconisent l’utilisation d’eau de pluie moins chlorée que l’eau de réseau, et bien sûr, dans le nettoyage des machines de production (décapage industriel, mécanique de précision). 

Cependant, il faut aussi réfléchir à des utilisations plus connexes comme le nettoyage des sols, l’arrosage des plantes intérieures et extérieures, le lavage des véhicules. Toutes ses actions doivent avoir été intégrées dans une réflexion plus globale de sobriété et d’efficacité.

Il faut donc en plus de récupérer les eaux de pluies, réfléchir à la mise en œuvre de systèmes hydro-économes (qui existent aujourd’hui pour des hautes pressions que l’on retrouve souvent dans les installations industrielles), et réfléchir aussi à l’information et la formation des usagers (pour qui l’eau reste encore une matière peu chère), à l’achat de machines moins consommatrices (et s’orienter si possibles vers les meilleures techniques disponibles), et une fois les optimisations réalisées, dimensionner au plus juste son équipement de récupération.

Il ne faut pas non plus négliger de se questionner sur la réutilisation des eaux de process et de refroidissement. Souvent, la facilité est de fonctionner en circuit ouvert. On ouvre à besoins, une fois l’action réalisée, on purge le système et on recommence à chaque cycle. C’est souvent une source énorme et insensée de consommation. Que ce soit dans le refroidissement des pièces, le refroidissement des machines, on peut envisager de ré-utiliser à de nombreuses reprises l’eau. Les gains potentiels avec cette action ne sont pas que la réduction de la consommation en eau, mais aussi en solvant associés (comme pour la tribofinition) ou encore en calories récupérées (pour le nettoyage des graisses). Comme on a pu le constater, les exemples sont nombreux et le chef d’entreprise se doit de bien hiérarchiser ses actions et planifier ses investissements afin de maximiser son outil de travail et prendre le virage de la compétitivité durable.

Exemple de cuves aérienne de récupération des eaux de pluies (source : CCI HdF)

L’assainissement autonome comme boucle d’économie circulaire

Une fois l’eau récupérée et utilisée dans le process, les réflexions ne sont pas pour autant terminées. C’est une continuité logique que de se questionner sur la maîtrise de son rejet d’eau industrielle et ce pour plusieurs raisons :

  • Maîtriser la production : en gérant sa propre « station d’épuration » l’industriel peut maîtriser ses rejets et donc sa production. La gestion de sa station peut lui permettre de ne plus être tributaire des obligations fixées par la collectivité en termes de quantité de rejets (qui peuvent parfois les contraindre à des restrictions de production).
  • Réduire les coûts, en effet les conventions de rejets émises par les collectivités comportent des normes de rejets, qui obligent bien souvent les industriels à prétraiter leurs eaux usées, et qui dans le cas contraire, prévoient des pénalités (un coefficient multiplicateur). Ce coefficient multiplie « artificiellement » le prix de l’eau en multipliant le coût du m3 à assainir. En région Hauts de France le coefficient peut monter à 38…
  • Créer des boucles vertueuses d’économie circulaire. En effet, les déchets (comme les eaux usées) peuvent dans certains cas permettre l’émergence de boucles d’économies circulaires. Se servir des eaux usées comme source de matières premières est une possibilité dont les industriels peuvent bénéficier afin de maximiser le fonctionnement de l’usine. Par exemple, avoir sa propre station d’épuration avec des TTCR (Taillis à très courte rotation) permet de se « créer » un stock de bois et de pouvoir ainsi être autonome en bois de chauffage. On peut aussi par exemple coupler à sa station d’épuration un système de récupération des calories afin de préchauffer son eau de process, ses locaux…
  • Apporter de la biodiversité, effectivement, gérer sa propre station d’épuration alternative (filtre planté de roseaux, taillis de saules, bambouseraie…) permet d’apporter une touche de biodiversité sur un site industriel. En plus de l’aspect « nature », c’est aussi un outil de communication qui peut s’avérer utile à l’entreprise.

Récolte des taillis de saules avant fabrication de bois de chauffage (source : fao.org)

En conclusion, l’important pour les industriels et les entrepreneurs est de changer la relation qu’ils peuvent avoir avec l’eau. Si elle reste une matière première nécessaire au bon fonctionnement de l’usine, il faut l’envisager sous l’angle de l’économie circulaire afin d’optimiser son utilisation et de créer des boucles vertueuses. Ces boucles ont plusieurs avantages, économiques (en faisant notamment baisser les coûts de production), environnementaux (en diminuant la pression sur la ressource), sociétaux (en améliorant l’image de marque de l’entreprise et en mobilisant les employés autour d’un projet porteur de sens).

 

Economique, environnemental et social… qui a dit que la gestion de l’eau en entreprise n’était pas un enjeu de développement durable ? 

 

 

Un article rédigé par :

Michaël VERDIER

Chargé de projets Développement Durable / REV3 / AquaPRIS / CCI Hauts-de-France